Gestion Différenciée
La gestion différenciée des espaces verts communaux : ou comment recréer de véritables réservoirs de biodiversité au cœur du village
Trop souvent considérée comme un abandon ou une victoire perdue contre la Nature « hostile et envahissante », la gestion différenciée de nos jardins & espaces verts est aujourd’hui une nécessité écologique et économique face au changement climatique et à l’érosion de la biodiversité !
Cette approche, écologiquement et économiquement cohérente, est basée sur un aménagement et un entretien de chaque espace vert de manière réfléchie, selon le principe « entretenir autant que nécessaire, mais aussi peu que possible ».
Ainsi, à certains endroits et durant une période définie, une gestion plus écologique permet aujourd’hui de favoriser la biodiversité, de limiter les impacts sur l’environnement mais également sur la santé humaine en réduisant la pollution (atmosphérique et sonore) engendrée par les outils d’entretien tout en rendant les travaux d’entretien moins coûteux.
Panneaux signalant la mise en place d’une gestion différenciée (M. Nicolas)
Valoriser les services rendus par les écosystèmes !
Un des objectifs principaux de notre approche est de favoriser de manière significative la biodiversité locale grâce à une gestion adéquate, dans l’espace et dans le temps, permettant à la flore de s’épanouir, de se diversifier avec le retour ou l’apparition d’espèces adaptées aux conditions climatiques locales, mais également d’offrir nourriture et abris à toute une faune (insectes pollinisateurs, oiseaux…) aujourd’hui malmenée par certaines pratiques agricoles ou l’urbanisation galopante.
Peut-être faut-il évoquer la montée en graine, quand les tiges s’allongent car c’est ce moment qui est le plus critique, mais il est éphémère puisqu’une tonte est prévue fin mai-début juin.
Chardonnerets élégants mangeant les graines de Laiteron (M. Nicolas) Coquelicots dans la prairie de l’école (M. Nicolas)
Ainsi, des espèces sauvages et locales peuvent effectuer l’intégralité de leur cycle de vie, de manière durable en nous rendant bien des services à notre insu comme accueillir des coccinelles gourmandes de pucerons, abriter des araignées chasseuses de moustiques tigres ou encore permettre la circulation de hérissons friands de limaces…
Abeille sauvage sur un pied de Laiteron (M. Nicolas) Azuré commun aux abords de l’école (M. Nicolas)
Des espaces préservés mais pas abandonnés !
Dans le cadre de sa labellisation « Territoire Engagé pour la Nature », notre commune mène depuis le printemps 2021 la gestion différenciée de ses espaces verts et naturels publics.
Ainsi après un travail d’inventaire des espaces verts publics et d’analyse de leurs usages, mené en concertation avec les élus, les agents et nos partenaires (prestataires, ESAT, Métropole, …), nous avons opté pour des modes de gestions adaptés à la typologie de nos espaces :
- les boisements
- les praires urbaines
- les prairies sauvages
Avons-nous un plan de la commune avec les différentes zones décrites ?
– les boisements : C’est dans les broussailles que naissent les arbres de la forêt de demain ! En effet, dans nos boisements, la végétation au sol (ronces, lianes, arbustes…) permet de préserver les jeunes pousses du broutage et de l’érosion des sols. Les ronciers accueillent également de nombreux oiseaux et insectes pollinisateurs qui y trouvent le gîte et le couvert. Nous sommes également concernés : quel randonneur ne s’est pas requinqué après avoir avalé quelques mûres glanées au passage sur un roncier ?!
De fait, un débroussaillage intensif conduirait à déséquilibrer un écosystème profitable à la forêt et à terme à limiter le renouvellement de ces boisements qui sont de véritables ilots de fraicheurs…
Roncier riche en fleurs…puis en fruits ! © M. Nicolas
Pic épeiche surveillant sa cavité de nidification © M. Nicolas
Gestion associée : Ces espaces boisés, souvent utilisés par les promeneurs et vététistes, sont entretenus majoritairement par leur fréquentation. Les interventions de gestion y sont minimales, limitées à une veille de sécurité et d’accès (entretien d’un chemin d’accès, élagage des branches mortes à risques notamment). Les arbres morts en bord de chemin sont surveillés ou réduits en hauteur pour éviter leur chute. Le bois mort est laissé sur place afin d’assurer son recyclage et sa valorisation par la biodiversité forestière.
Quelques acteurs du recyclage et la valorisation du bois mort : les champignons saproxyliques, les coléoptères (lucane cerf-volant) et les oiseaux (trous de pic)
Allée tracée dans le bois de Souleilla (M. Nicolas)
– les prairies « urbaines » : ces espaces où « l’Herbe » domine abritent en réalité une multitude d’espèces végétales différentes (parfois plus de 200 !) réparties entre les graminées et les « plantes à fleurs ». Ces plantes constituent la base de la majorité des chaines alimentaires et ce à chaque saison. Les plantes trouvent dans le sol un terrain favorable à leur reproduction, les pollinisateurs sauvages y butinent les fleurs indispensables à leur « survie », les oiseaux y récoltent les insectes ou les graines pour nourrir leurs nichées, et les jeunes Homo sapiens y glanent de nombreux cadeaux modestes mais précieux pour leur développement (un bouquet multicolore, un pissenlit à souffler, un papillon à observer, une sauterelle à pourchasser…) !
Ces prairies jouent également un rôle important dans la régulation des pluies et ruissellement en favorisant l’infiltration et l’absorption racinaire, mais également dans la régulation atmosphérique en absorbant les fortes chaleurs et le dioxyde de carbone.
Salsifis sauvage et Vesce sur terre-plain de l’avenue des Pyrénées (M. Nicolas) Ophrys abeille sur l’avenue des Pyrénées (M. Nicolas) Larve de coccinelle dévorant des pucerons sur la végétation au pied d’un arbre (M. Nicolas)
Gestion associée : Ces espaces sont entretenus différemment en fonction de leur surface et de leur fréquentation.
Les petites prairies inférieures à 300m² ou étroites ainsi que les espaces très fréquentés (activités sportives notamment) sont tondues intégralement toutes les 3 semaines.
Les prairies et terre-pleins (>300m²) en cœur de village sont tondus 3 fois par an (mars, juin, septembre) afin de favoriser les successions végétales saisonnières. Afin de marquer la gestion maitrisée et permettre l’accès aux limites de propriété, une bande tondue est maintenue en bord de voirie et en limite de clôture dès lors que celle-ci est possible.
Tonte différenciée sur l’allée du Coustous et aux abords du verger de l’école (M. Nicolas)
– Les prairies sauvages : nous avons la chance à Mons de disposer encore de grandes prairies, bien connues des randonneurs, comme celles longeant le Roussel. Ces prairies sauvages sont des espaces de vie exceptionnels pour la biodiversité des campagnes. Leur maintien assure des zones refuges et des couloirs de migration pour de nombreuses espèces entre les cultures et les zones urbanisées. Il n’est d’ailleurs pas rare d’y croiser de nombreux papillons, oiseaux dont certains rapaces, auxiliaires des cultures voisines ou encore des libellules en chasse d’insectes ailées comme nos redoutés moustiques !
Huppe fasciée en recherche de chenilles (M. Nicolas) Argiope frelon en embuscade… gare aux moustiques ! (M. Nicolas)
Gestion associée : Une prairie n’existe que par son entretien. En effet, une prairie non entretenue devient en quelques années une friche, un roncier puis une forêt. Afin de maintenir durablement une mosaïque paysagère diversifiée ces prairies sont gyrobroyées une fois par an ou au maximum tous les 2 ans afin de limiter l’installation des arbres. Une fauche ou l’installation temporaire d’un troupeau serait intéressante mais les contraintes techniques sont grandes, toutefois l’idée est toujours à l’étude…
Même avec la meilleure anticipation, la gestion de ces espaces est soumise à plusieurs contraintes : les conditions météorologiques (on tond difficilement une herbe mouillée), le planning des agents (une fuite d’eau dans un bâtiment reste par exemple prioritaire sur une herbe à couper) et à la maintenance du matériel (nos engins sont régulièrement entretenus mais les pannes sont possibles).
De fait, des décalages temporaires sont possibles et votre quartier peut ne pas être tondu au même moment que le quartier voisin. Ça n’est que temporaire, nous sommes à votre écoute et nous comptons sur votre compréhension.
Un changement de regard sur la « propreté de la nature » et les « mauvaises herbes »
Atelier nature autour de la biodiversité des herbes hautes avec les Petits Bidouilleurs du Foyer rural (S. Penalva)
Dans la mise en place de la gestion différenciée sur notre commune, le défi n’est pas technique car cet usage est maintenant assez répandu dans les communes voisines et les retours d’expériences nombreux. Malgré les changements de pratiques occasionnés, nos agents ont d’ailleurs fait preuve d’un volontarisme important pour sa mise en place.
Les freins sont plutôt psychologiques car une partie de la population associe toujours herbe tondue et propreté, or quoi de plus propre et ordonné qu’un écosystème équilibré ?
Ainsi, en accord avec les enjeux environnementaux actuels (érosion de la biodiversité, changement climatique…) notre perception de la nature en ville nécessite une inversion de regard qui implique de se libérer de la pression sociale occasionnée par la dictature de la tondeuse ancrée depuis plusieurs générations : qui n’a jamais éprouvé l’envie ou pire, le devoir coupable de démarrer sa tondeuse à la simple écoute de la tondeuse du voisin ?!
Cela peut changer et notre commune, comme d’autres communes, s’engage pleinement dans cette action écocitoyenne et nous avons à cœur de le faire avec pédagogie, avec vous et pour tous.